Trions, mes frères !

La perfection d’un outil de pouvoir ne se mesure pas tant à son raffinement technique qu’à sa parfaite adaptation économique. (Olivier Razac, Histoire politique du barbelé, 2000)

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Marc ne mange plus de viande, ne consomme plus que sa propre production de légumes et a perdu douze kilos en neuf mois, vraisemblablement à cause d’une allergie aux agents irritants contenus dans les peintures biologiques qui recouvrent ses murs. Sa barbe hirsute, son épouvantable maigreur et la pâleur de sa peau lui donnent l’apparence d’un sidaïque en phase terminale. L’une de ses voisines, une sexagénaire dont le mari est mort d’un cancer de la prostate l’année précédente, le regarde avec compassion à chaque fois qu’elle le croise dans la cage d’escalier. Une lueur libidinale perverse dans le fond de l’œil, elle tente par douze fois de l’inviter à boire le thé. Il trouve l’énergie de refuser mais craint de perdre patience. Pour éviter de croiser la fâcheuse, Marc s’enferme chez lui. Il passe les trois jours suivants à démonter pièce par pièce : son téléviseur, son micro-onde, sa machine à laver, sa chaîne hifi, son téléphone portable. Et sept supplémentaires à accoucher d’une théorie radicalement nouvelle sur les mutations anthropologiques inhérentes à l’introduction de l’écologie dans la sphère domestique. Ses cheveux tombent par poignées et il perd six dents. Il y voit le signe de la désagrégation de l’homo œconomicus et de l’avènement d’un homme nouveau. Il convient de préciser ici que Marc est d’un naturel optimiste.

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