Une aubaine…

13 juillet 2011

marchandisation

« A la fin des années 1950, les ados étaient un nouveau marché à conquérir, une aubaine publicitaire. Le concept d’adolescent vient de la publicité, une fabrication assez cynique puisque le simple fait de les étiqueter de cette façon a conduit les jeunes de cette tranche d’âge à se revendiquer comme tels. Ça a créé un marché non seulement pour les fringues et les cosmétiques mais aussi pour la musique, la littérature et tout le reste. Un panier à part. ça a été une déflagration, une énorme vague de puberté. La beatlemania et la folie entourant les Stones viennent de là. Ces filles auraient tout donné pour connaître enfin quelque chose d’autre. Quatre ou cinq mecs maigrichons leur ont fourni une issue, mais elles l’auraient trouvée ailleurs, de tout façon. » (Keith Richards - Life - 2010).

Leadership (déf.)

17 juin 2011

compétences

FICHE COMPETENCE CLE DU GROUPE. - Mesurer les compétences d’un salarié - Libellé long (30c) : Leadership.

Définition :
Entraîne son équipe, ses collaborateurs à se dépasser, à aller au-delà des résultats qu’ils auraient spontanément obtenus et les implique plus fortement que leur seule motivation initiale.

Définition des niveaux d’évaluation :
Niveau 1 : Attribue des tâches, des rôles à ses collaborateurs. Fixe des objectifs, s’assure de la mobilisation des moyens, contrôle l’exécution et les résultats. Rappelle les consignes en cas de besoin.
Niveau 2 : Transmet des instructions et donne les explications nécessaires. S’assure de la capacité de ses collaborateurs de réaliser les tâches demandées. Apporte un soutien, fournit des moyens complémentaires si nécessaire.
Niveau 3 : Donne des explications. Mesure l’intérêt à la tâche, la motivation de ses collaborateurs. Adapte son action pour renforcer l’implication de chacun. S’engage à fournir les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs. Inscrit son action dans la durée, construit un projet de développement avec chacun de ses collaborateurs.
Niveau 4 : Inscrit son action dans la politique et la stratégie de son entité. Communique sa vision des finalités et des relations de travail. S’assure en permanence de l’adhésion des collaborateurs aux grands objectifs de son entité.

Trions, mes frères !

16 juin 2011

La perfection d’un outil de pouvoir ne se mesure pas tant à son raffinement technique qu’à sa parfaite adaptation économique. (Olivier Razac, Histoire politique du barbelé, 2000)

tri

Marc ne mange plus de viande, ne consomme plus que sa propre production de légumes et a perdu douze kilos en neuf mois, vraisemblablement à cause d’une allergie aux agents irritants contenus dans les peintures biologiques qui recouvrent ses murs. Sa barbe hirsute, son épouvantable maigreur et la pâleur de sa peau lui donnent l’apparence d’un sidaïque en phase terminale. L’une de ses voisines, une sexagénaire dont le mari est mort d’un cancer de la prostate l’année précédente, le regarde avec compassion à chaque fois qu’elle le croise dans la cage d’escalier. Une lueur libidinale perverse dans le fond de l’œil, elle tente par douze fois de l’inviter à boire le thé. Il trouve l’énergie de refuser mais craint de perdre patience. Pour éviter de croiser la fâcheuse, Marc s’enferme chez lui. Il passe les trois jours suivants à démonter pièce par pièce : son téléviseur, son micro-onde, sa machine à laver, sa chaîne hifi, son téléphone portable. Et sept supplémentaires à accoucher d’une théorie radicalement nouvelle sur les mutations anthropologiques inhérentes à l’introduction de l’écologie dans la sphère domestique. Ses cheveux tombent par poignées et il perd six dents. Il y voit le signe de la désagrégation de l’homo œconomicus et de l’avènement d’un homme nouveau. Il convient de préciser ici que Marc est d’un naturel optimiste.

Ô mon bordel natal

16 juin 2011

O mon bordel natal

« Oui, alors puisque le Far-West c’est fini, il faut m’y prendre autrement, il faut que ça paie. Le bordel industriel avancé regorge. Il faut vous décider à m’en donner un peu, parce que si vous continuez à nous en promettre sans nous en donner, à susciter toute cette abondance de misérables désirs, il vous viendra de plus en plus de pauvres, ô mon bordel natal, et des moins arrangeants que moi. Voilà pourquoi vous crèverez tous. » (Jean-Patrick Manchette, L’Affaire N’Gustro, 1971)

Un nombre humain

7 juin 2011

Tripalium

« Envie d’exploser. Elle frissonne. Elle fait durer. Son sexe palpite. Elle fait durer. Elle chasse un insecte de la main, puis un autre. Elle a l’impression qu’ils sont des centaines autour d’elle. Sur elle. En elle. Elle promène le dos de l’index sur sa joue, infinie douceur. Puis son doigt rencontre une protubérance spongieuse et elle se souvient. A partir de là, ses yeux grands ouverts sur le ciel ne voient plus que les flammes de l’enfer. Celui de son trouble, le souvenir de sa virginité perdue et les expériences de Peter Dahan sur son corps au cours des vingt-huit dernières années. Les violences, la folie et les visages déformés par la douleur. Elle fait durer. L’équilibre est instable mais il perdure. Les puces à ADN implantées dans son tronc cérébral et son système nerveux s’agitent un bref instant, mais elle parvient à rester maîtresse de ses cellules. Elle fait durer. Presque femme, pas tout à fait machine. Humaine. Ou plutôt : in-humaine. Être de chair et de sang puisant à la source du Progrès. Utopie calcinée. Elle voit la pourriture, les taches brunes sur son abdomen et le long de ses cuisses. Elle connait la destruction progressive de son système immunitaire sous les coups de boutoir des nanomachines. La lente dégradation de ses organes vitaux, en même temps que son cortex connaît une expansion vertigineuse. Elle sait qu’il ne lui reste plus longtemps. »

(Source image : Alexios Tjoyas)

La machine

26 mai 2011

tripalium

« Aujourd’hui, avec la machine, tout cela est terminé (tu vois que la technique est comme les amours, la technique moralise, la technique planifie, la technique na pas de “nature”) [..] Tu as bien travaillé (moi aussi !) sur ton amour, sur toi, sur moi. Maintenant tu as bien gagné le droit de repos. Ferme les yeux, ma chérie, laisse le temps et la vie faire leur oeuvre, laisse la machine en paix, laisse en paix tes mains bien-aimées. »

Louis Althusser, Lettres à Franca, mercredi 17 et jeudi 28 septembre 1961. (Source image : Yann Minh).

Vendeur de cadavres

9 avril 2011

Vendeur de cadavres Marin Ledun

Ecorces Editions, emmenées par Cyril Herry, nous offrent ce mois-ci un recueil de nouvelles inédites sur le thème du virus, en téléchargement gratuit, auquel j’ai eu le plaisir de contribuer en 2011 signes, aux côtés de Patrick K. Dewdney, Émeric Cloche, François Cariou, Max Obione, Laurence Biberfeld, Hervé Sard, Brigitte Allègre, Antoine Grangier et Antoine Chainas. Vendeur de cadavres est librement inspiré d’un article de Jordan Pouille qui m’a été signalé par Xavier Murer, pêché sur Médiapart le 3 novembre 2010, évoquant le fleuve Jaune, à Lanzhou, comme tombeau du miracle économique chinois, sur lequel officie un homme nommé Wei Jin Peng. A 55 ans, monsieur Wei est ce qu’on appelle un pêcheur de cadavres, un métier apparu avec la construction des nouveaux barrages hydro-électriques sur le fleuve Jaune. Celui de Lanzhou a été inauguré il y a dix ans et alimente les grosses usines de la ville, à une vingtaine de kilomètres. Voyant les corps s’accumuler contre le barrage, deux familles se sont installées à proximité, se partagent les méandres du fleuve et un tiers des cadavres qui flottent entre deux eaux : des retraités et des ouvriers migrants. Presque tous sont des femmes. Offrant l’un des salaires minimums les plus bas de Chine – 670 yuans (80 euros) contre 1100 yuans à Shenzhen –, Lanzhou attire désormais les usines du Guangdong et peut se vanter, à son tour, d’une croissance à deux chiffres. Ses industries pétrochimiques et textiles sont florissantes. D’ici l’an prochain, la ville deviendra même le nouveau bastion du constructeur automobile Geely (connu en Europe pour avoir racheté Volvo) qui, depuis Lanzhou, compte exporter massivement vers l’Europe de l’Est…

Les visages écrasés…

21 mars 2011

« Les Visages écrasés est un roman noir sur le monde du travail. Les visages écrasés, c’est le mode d’emploi froid, nu d’une machine ou d’une tâche, la progression rationnelle quasi clinique des évènements, les règles de métier, mais c’est aussi l’instrument du contrôle social qui prévaut aujourd’hui dans l’organisation du travail et les techniques de néo-management, c’est-à-dire les « bonnes règles » et les « bonnes pratiques » (leitmotiv lancinant des directives managériales). La marche à suivre, c’est le bon sens et le bon salarié versus son corrélat, la pratique du mouton qui suit le troupeau du haut de la falaise. C’est la règle de bon fonctionnement et la loi aveugle. C’est le vivre ensemble versus le « marche ou crève ». [...] Les Visages écrasés est au mode de production néo-managérial ce que La guerre des vanités ou Zone Est sont à l’illusion de la consommation et du tout technologique : des histoires d’hommes et de femmes qui se débattent avec dignité dans l’Histoire du monde industriel des trente ou cinquante dernières années. » Christophe Dupuis vous en parle déjà ici, et Tarik Messelmi, pour Actu SF, me pose quelques questions à ce sujet, , dont est extrait le passage ci-dessus.

Les visages écrasés

Un volet claque. Mes affaires, déposées en vrac dans le hall d’entrée.
A l’exception du Beretta.
Fascinée, je contemple une nouvelle fois le semi-automatique. L’idée me traverse l’esprit de le retourner contre moi mais, encore une fois, Vincent n’est pas le problème.
Il le sait, je le sais.
Le problème, ce sont ces fichues règles de travail qui changent toutes les semaines. Ces projets montés en quelques jours, annoncés priorité-numéro-un, et abandonnés trois semaines plus tard sans que personne ne sache vraiment pourquoi, sur un simple coup de fil de la direction. La valse silencieuse des responsables d’équipes, toujours plus jeunes et plus inflexibles, mutés dans une autre agence ou partis par la petite porte. Cette tension permanente suscitée par l’affichage des résultats de chaque salarié, les coups d’œil en biais, les suspicions, le doute permanent qui ronge les rapports entre collègues, les heures supplémentaires effectuées pour ne pas déstabiliser l’équipe, le planning qui s’inverse au gré des mobilités, des résultats financiers et des ordres hebdomadaires. Les tâches soudaines à effectuer dans l’heure, chaque jour plus nombreuses et plus complexes. Plus éloignées de ses propres compétences. Les consignes qui évoluent sans arrêt. Les anglicismes et les termes consensuels supposés stimuler l’équipe et masquant des réalités si sourdes et aveugles que le moindre bonjour est à l’origine d’un sentiment de paranoïa aigue. L’infantilisation, les sucettes comme récompense, les avertissements comme punition. La paie, amputée des arrêts maladie, et des primes au mérite qui ne tombent plus. Les objectifs inatteignables. Les larmes qui montent aux yeux à tout moment, forçant à tourner la tête pour se cacher, comme un enfant qui aurait honte d’avoir peur. Les larmes qui coulent pendant des heures, une fois seul. Mêlées à une colère froide qui rend insensible à tout le reste. Les injonctions paradoxales, la folie des chiffres, les caméras de surveillance, la double écoute, le flicage, la confiance perdue. La peur et l’absence de mots pour la dire.
Le problème, c’est l’organisation du travail et ses extensions.
Personne ne le sait mieux que moi.
Vincent Fournier, 13 mars 2009, mort par balle après ingestion de sécobarbital, m’a tout raconté.
C’est mon métier, je suis médecin du travail.
Ecouter, ausculter, vacciner, notifier, faire remonter des statistiques anonymes auprès de la direction. Mais aussi : soulager, rassurer.
Et soigner.
Avec le traitement adéquat.

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« Une véritable course contre la montre s’engage entre elle, la police qui cherche très “prosaïquement” un coupable, les syndicats qui tergiversent sur l’attitude à adopter et une direction qui tente de garder la face pour ne pas perdre des parts de marché. Malgré ces obstacles mais aussi les doutes et la culpabilité qui la rongent, cet ange mi-exterminateur, mi-rédempteur est bien décidé à raconter, à travers notes, courriers et dossiers médicaux, “l’autre histoire”. Celle d’hommes [...] et de femmes broyées par la mécanique du rendement et du profit. Une mécanique perverse, remarquablement dépeinte par Marin Ledun dans toute sa froideur clinique, sa folie destructrice. » (Le Monde des Livres, 5 mai 2011, par Christine Rousseau.)

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Editions du Seuil, collection Roman Noir, 24 mars 2011.

Fractale

27 février 2011

Fractale Marin Ledun

Fin de journée à SAUDIS Corporate, cabinet de conseil en placement de produits financiers. Un message d’alerte incendie est lancé. Six employés, trois hommes et trois femmes, gagnent le troisième sous-sol, conformément aux indications. Ils pensent à un exercice de sécurité. Mais quand les portes de l’ascenseur se referment derrière eux, ils réalisent qu’ils n’ont plus aucun moyen de remonter. Commence alors une attente épuisante où l’exercice se révèle être un jeu sordide dont chacun devra trouver les règles pour survivre.

« Très court et entièrement dialogué, son thème pourra
évoquer à certains Le couperet de Westlake
ou Cadres Noirs de Pierre Lemaître
» (Fondu au Noir)

Editions La Tengo, collection Pièces à conviction, 2 mars 2011.

Zone Est

6 décembre 2010

A paraître le 13 janvier 2011 aux éditions Fleuve Noir.

Zone Est Marin Ledun 2010

Thomas Zigler n’aurait jamais dû regarder dans la carte-mémoire de sa victime.
Ce qu’il a vu est inconcevable pour les habitants de la Zone Est. Une femme, belle, sans artifice et épargnée par le virus.
Pourtant, Ziegler sait que personne ne peut survivre sans organes artificiels et autres prothèses. Alors d’où vient-elle ? De l’autre côté du Mur qui emprisonne à jamais la Zone Est ? Il n’a pas le temps de se poser de questions.
Les criminels sans visage pour lesquels il travaille sont déjà à ses trousses. Ziegler est bien décidé à sauver sa peau et à découvrir ce qui se trame dans cette communauté coupée du monde. Car ce qu’il a vu, c’est un espoir, un mince espoir…